Portrait de Gilles Salvador

Gilles Salvador en 14 dates

  • 1958 : naissance, le 31 décembre, à Belfort (90)
  • 1970 : première 125 Peugeot
  • 1974 : débute le trial avec une 125 Bultaco
  • 1975 : première coupe, victoire au Trial de Beutal (25) en 125
  • 1978 : première victoire en cross
  • 1986 : première participation au Dakar
  • 1987 : débute en Supermotard
  • 1992 : première participation au Bol d’Or
  • 1995 : champion de France de Supermotard (HSB)
  • 1997 : champion d’Europe de Supermotard (KTM)
  • 2000 : fin de carrière de pilote
  • 2001 : manager du team KTM Factory Supermotard jusqu’en 2005
  • 2003 : manager du team KTM Factory Dakar jusqu’en 2005
  • 2005 : guide de voyages KTM. Lance la Salvadorschool

Portrait paru dans Moto Revue (Ed. Mai 2021)

Des os, Gilles Salvador s’en est brisé tout au long de ses presque cinq décennies de pratique intensive du deux-roues motorisés. Mais son dernier vilain souvenir remonte à la fin juin 2017. Il dîne chez lui. en plein cœur de sa Haute-Saône d’adoption, avec un vieux complice. D’un coup, il sent une douleur dans le dos : « Là, je dis au Grand (Laurent Pidoux, immense figure de l’enduro et du Supermotard dans les années 90, ndlr) que ça doit être musculaire. Qu’il faut qu’il me tire sur les épaules. » Le surlendemain, Gilles doit partir à Düsseldorf pour le coup d’envoi du Tour de France cycliste où il pilote une moto de presse. Il passe une nuit blanche. Au matin, il appelle son toubib. C’est le cœur. On lui pose des stents et il chope un staphylocoque. Le Tour de France lui passe sous le nez. Ce sera bien l’une des rares choses qu’il n’aura finalement pas faites dans sa carrière. Son histoire, elle aura démarré de la façon la plus banale qui soit. « Fin soixante, il y avait une carrière pas très loin de chez moi où les gars du coin roulaient. On appelait ça des motos d’usine. En fait, elles sortaient juste d’une usine. C’étaient des Montesa ou des Peugeot trafiquées. »En culotte courte, Gilles prenait son vélo et ne loupait pas une miette du spectacle avant de récupérer la 125 Peugeot de son frère. « On roulait cinq minutes et on bricolait deux heures. Sans rien comprendre à ce que l’on faisait. » À 16 ans, il s’acquitte de la Licence, le sésame pour pouvoir rouler avec une 125. « Dans la famille, il y avait une boite d’engrais. Je passais mes journées à vider des wagons de 25 tonnes. Je me faisais surtout les poches, parce qu’à l’époque, j’étais à mille lieues de penser qu’il fallait faire une activité physique pour réussir à moto. » II finit par s’acheter une Bultaco Lobito. Le 125 trait trialisant de la marque catalane. » Je n’avais personne à la maison pour m’emmener rouler Alors, avec la Lobito, je pouvais aller par la route rejoindre mes collègues. Ils étaient tous plus vieux que ma: Le dimanche matin, on se retrouvait pour faire des zones. C’était leur excuse pour se barrer de chez eux.. Et immanquablement, cela se terminait chez la grosse Pierrette. « Elle avait un bar qui s’appelait le Cheval Blanc. La gent féminine y était de petite vertu. J’y finissais avec une fille sur les genoux et les joues couvertes de rouge à lèvres. »
« Puis j’ai rencontré un mec qui m’a dit que pour réussi; il fallait s’entraîner un peu physiquement. » Du coup, il se met à l’athlétisme. Se pose alors la question de l’orientation professionnelle, la carrière de pilote Moto n’étant même pas en rêve. « Je voulais être cuisinier. Ça me plaisait. »Le restau où il fait ses premières armes se trouve le long d’une route. 

« Ça m’a sauvé la vie. J’entendais les motos passer et je me suis rendu compte qu’il fallait bosser le week-end pendant que les autres routaient. Je suis donc devenu électricien. » Ses premiers salaires passent dans l’achat d’une Suzuki RM. À ce stade, les grands trialistes de l’époque peuvent dormir sur leurs deux oreilles. Le jeune Salvador ne risque pas de leur piquer le haut de l’affiche. En 1977, il devance l’appel pour le service militaire : » Afin d’y passer mes permis. » Entre-temps, son frère a acheté une Bultaco Pur Sang. Gilles récupère également une Bultaco de cross d’occase. Ma première course était dans la boue. Il neigeait. » Il monte surfe podium. » En fin de saison, je m’arrache les ligaments d’un genou. » Il bosse tout l’hiver pour ..s’acheter une 400 Mato. toujours d’occasion.

« Je les trouvais belles. » Il fait un stage de pilotage avec les frères Boniface et s’aligne à Villars-sous-Écot pour une course nationale. Il se retrouve en tête jusqu’à cinq tours de la fin où l’arbre de boite à vitesses casse. « C’était la maladie des RM. Ça arrivait tous les quinze jours. »Peu de temps après, un concessionnaire lui propose de rouler avec les premières Kawasaki l« dotées do la suspension Unitrak. En tête du championnat de ligue à deux épreuves de la fin, il s’édate la rate. Pour être champion, il fallait que je marque trois points sur la dernière course. J’avais une bande autour du ventre, qui s’est défaite en roulant. J’ai eu la chance qu’elle ne se prenne pas dans la roue arrière_ tout ça pour une poignée de main et une vilaine breloque. » II navigue dans le Top 10 du championnat de France tout en continuant à brancher des prises durant la semaine : « Même si je m’étais pleinement consacré à la moto, je pense que je n’aurais jamais pu jouer devant. Et là, nous sommes en 1985, je me dis que je ferai bien le Dakar. »

«Je me suis vu mourir dans un accident de la route»

À l’époque, à part une moto prêtée, il payait tout. « Je n’avais jamais démarché de sponsor. Gagner des courses, ça me plaisait, mais avant tout, j’aimais le mode. de vie : mettre la moto sur la remorque, planter la tente… » Finalement, il parle du Dakar à son voisin qui a un petit supermarché. « Il me demande de combien j’ai besoin. Au hasard, je lui dis 20000 (francs, lime répond OK. En sortant, je me suis dit que j’aurais dû demander plus. » Il achète une Suzuki 600 DR. » 

Mais je ne connaissais personne et je n’avais aucune idée de ce que ça allait coûter. » Il fait des soirées, vend des tee-shirts : « Au final, ça ne m’a rien coûté. J’ai même vendu la moto à des Libanais en arrivant à Dakar. »Pourtant, l’histoire a mat commencé. Il trouve à Lyon un gars pour lui fabriquer un réservoir de 40 litres. « Je décide d’y aller avec la DR pour la roder. Il tombe des cordes. J’arrive à Lons-le-Saunier, il fait froid. En face de la gare, une voiture fait demi-tour et me coupe la route. Le temps de réponse m’a été fatal. J’ai bloqué les deux roues, j’ai évité la bagnole mais il’ y avait une Ami 8. La DR s’est encastrée dessous, ce qui a levé les suspensions de la Citroën. Quand je suis sorti, j’ai vu la tête livide du gars qui était au volant.

Finalement, la femme qui avait fait le demi-tour avait reconnu son tort «Il n’y avait que le réservoir abîmé et l’assurance de la gonzesse mon réservoir de course. Je passe la tête du gars qui m’attendait à Lyon lorsqu’il a vu le tableau…» Pas d’assistance, un sac à dos de 15 kilos : «Il manquait juste les casseroles accrochées au porte-bagages », rigole-t-il. D’autant que Gilles veut parfaire sa condition physique avant le départ. Pour cela, rien de mieux qu’un peu de motocross : « Un départ en tête, puis une grosse averse d’orage. Je me casse la clavicule. Presque à percer la peau de l’épaule. Là, les gars me chargent dans l’ambulance et roulent à fond. Je me suis vu mourir dans un accident de la route… » Il se fait poser une plaque : « Un os, c’est trois semaines. Je reprends donc l’entraînement en cross. Et j’ai tout plié, les vis ressortaient… » Il se fait tellement pourrir par le chirurgien qu’il décide de se mettre à la course à pied. Il court « tout le temps, on aurait dit Forest Gump ». Le Dakar 86, outre l’accident d’hélicoptère qui coûtera la vie à cinq personnes, dont Thierry Sabine et Daniel Balavoine, n’était pas une mince affaire. Gilles connaît à peu près tous les scénarios : tomber dans une rivière au milieu de la nuit, s’endormir au guidon… « Et puis, il y a eu l’épisode avec Joineau. Philippe était en panne, l’assistance Suzuki avait abandonné. Je le trouve en pleine brousse, arrêté. Je n’avais pas de pièces, mais j’avais tous les outils sur moi. Ça me rassurait. On démonte, c’était l’alternateur qui était mort. Arrive un autochtone qui sort de nulle part et qui dit «Dans le village d’à côté, il y a la même moto que celle-là.» Je décide d’y aller. Et je vois la moto avec les stickers Dijon Motos. Le flic qui a la moto dans sa case me dit qu’il veut voir le propriétaire. Je lui explique que je dois prendre l’allumage et qu’ensuite, on ira voir le propriétaire… On a remonté la pièce et Philippe a pu terminer le rallye.

C’est quand même dingue. On avait fait 13500 bornes et sa moto tombe en panne à deux kilomètres de la machine qu’il avait abandonnée là, deux ans auparavant après une chute ! » Évidemment, après avoir goûté à l’aventure, plus grand-chose n’a de saveur. « Je fais encore des motocross. Et un jour, je gagne les deux manches d’une course de la région. Les frères Joineau sont là. En fait, ils ne me connaissaient pas. Du coup, ils sont venus me voir et me disent qu’une troisième Suzuki sera engagée dans le team officiel pour le prochain Dakar. Et que si ça m’intéressait… » À l’époque, il n’y avait pas de portable. Au bout du 100 jour passé à vérifier que son téléphone était bien branché, il craque et appelle. La réponse n’est pas bonne : « Finalement, Michele Rinaldi (champion du monde MX sur Suzuki, ndlr) a envie de s’essayer au Dakar. La troisième moto lui revient. » Il se prépare une Suzuki qui casse le Dakar suivant. Puis, en 88, Joineau, débauché par le projet Écureuil, lui prête la toute fraîche DR 750: « En me rendant au prologue, j’ai tout de suite compris qu’elle était inconduisible. » À ce stade, et après avoir frôlé la banqueroute, Gilles tire un trait sur les rallyes-raids. Il tombe sur la retransmission d’une des premières courses de Supermotard : « C’était sur le circuit de Pau, et Stéphane (Peterhansel) avait gagné un Suzuki 4×4. Je me suis dit que c’est ça qu’il fallait que je fasse. » Il achète une 500 Honda et débarque à Montlhéry.

Il grandit en même temps que la discipline. Un moment, il roule avec une Barigo équipée du vieux motard Rotax : « Un jour, je cale sur la grille. J’ai passé toute la manche à kicker sans réussir à relancer le moteur. C’était compliqué. » Quand il débarqué au premier Guidon d’Or, il a sa vieille 500 Honda qui lui sert pour le monobike (des monocylindres, souvent de cross, montés piste, ndlr) dans le camion. « J’étais engagé en 4-temps. Et lorsque, pour la deuxième course, le lendemain, pas mal de pilotes étaient cassés, on m’a proposé de disputer le Guidon d’Or » Avec sa Honda et sa tenue Motomod qui flottait au vent, il tient tête à Eddie Lawson (le quadruple champion du monde de Grands Prix 500, ndlr) durant neuf des douze tours de la finale.

« On me fait de grands signes : ça fumait partout» « C’était en direct à la télé. Royal Moto m’a directement proposé de rouler pour eux. Seurat m’a appelé ensuite. Mais c’était trop tard. » Le chapitre KTM est lancé. En 90, il est en tête du championnat. « En essayant ma moto dans mon village, je m’aperçois que mon pneu est défaillant. J’ai fini sous un rail. Et en morceaux. » Les gendarmes remplissent le constat en utilisant une vieille carte grise de 600 DR. Le championnat est plié. L’année suivante, il se retrouve embarqué, en compagnie de Pidoux, dans l’aventure des deux-roues motrices de Savard.

L’histoire part rapidement en tonneaux. Il se retrouve avec deux ans de chômage. Pour tuer le temps, il se lance dans l’aéromodélisme : « Un jour, le Grand n’avait pas branché le récepteur de radiocommande dans l’avion. Le truc a décollé et on l’a suivi en voiture en attendant qu’il tombe en panne d’essence pour le récupérer » Il roule deux saisons avec une Kawasaki de chez Hoog : « On se tirait la bourre… derrière Chambon. Stéphane, comme Peter et même comme Van Den Bosh sont des tueurs dès qu’ils ont un guidon entre les mains. » Jean-Michel Bayle est également de la partie. « Mais c’est peut-être aussi celui qui a révolutionné le Supermotard. Il est arrivé pour le Guidon d’Or à Carole, il a regardé, il a choisi l’efficacité. Il s’est mis à poser le genou par terre comme en vitesse. Alors que nous, nous sortions en travers de chaque virage. Ça nous faisait marrer. » Ça faisait le spectacle. Et l’ambiance. « Une veille de championnat de France à Carole, on se retrouve dans le bus d’un pilote sudiste. Musique et chichon au programme. » Le lendemain, Boris Chambon le passe dans le dernier tour et monte sur la troisième marche du podium derrière Rubio et son frère Stéphane. « ll me dit qu’il ne voulait pas finir à la place du con. » Les trois sont contrôlés. Boris flippe : « Je ne voudrais pas qu’ils voient que j’ai bu du Red Bull… » In fine, les trois sont déclassés. Ce qui fait dire à Marcel Seurat, l’importateur Husqvarna qui emploie les trois garçons, que pour Stéphane, il s’en doutait, que Boris c’était normal puisqu’il était le frère de Stéphane, mais pour Vivi (William Rubio, ndlr)… 

Un chapitre qui, 25 ans plus tard, provoque encore un fou rire total à son conteur : « De toute façon, ils auraient pu contrôler les dix premiers, voire l’ensemble du plateau, on était tous positifs… » À l’époque, l’ineffable Bidault avait écrit dans les colonnes de MJ qu’on pouvait faire les journées K avec Kawasaki et les journées H avec Chambon… Mais le Supermotard va mal. Sekoïa, la boîte qui a créé la discipline bat de l’aile, assommée par la loi Évin qui interdit la publicité pour le tabac. « Rapidement, il n’est plus resté que trois courses par saison : Cahors, Épinal et Belfort. Et c’était des pilotes qui étaient à la tête de l’organisation (dont Gilles pour l’épreuve de Belfort, ndlr). » Forcément pas de quoi nourrir son homme. Tous les moyens sont bons pour courir le cacheton : « On est invité en Corse pour disputer une course de côte. Je ne connaissais l’endroit que par Astérix. Lorsqu’on a débarqué, que j’ai vu les vieux assis sur un banc à regarder les gens passer, je me suis dit que l’on était bien en Corse ! » Là, il se lie d’amitié avec Tony Miniconi, pilote corse, qui a perdu une jambe. Ce qui ne l’empêche pas de mettre du gros gaz. Sauf que la Fédé lui accorde juste une licence pour le… trial : « Ah, il ne risquait pas de mettre des pieds. Du coup, on va rouler en Allemagne. Un jour, dans une course de côte, ils avaient passé, avec le Grand, la nuit à faire la foire. Je lui dis de virer sa béquille, qu’il risque de la planter.

Mais va dire à un Corse qui a dormi trois heures qu’il faut desserrer un boulon… » Il se sort et passe sous un rail de sécurité. Il est déjà en train de relever sa moto lorsqu’un commissaire arrive : « Il a failli tourner de pensant que Toni venait de se couper une jambe. Finalement, c’est lui qui a pris la radio pour demander une ambulance au virage neuf pour un commissaire qui tournait de » À l’époque, Gilles roule souvent en Allemagne, « même si par respect pour mon grand-père, je n’ai jamais voulu apprendre la langue ». Il y emmène le Corse. Sa machine ne passe pas au contrôle de bruit. Ni une ni deux, un bouchon est placé dans l’échappement. Cette fois, le sonomètre est bon. Mais un dernier coup de gaz le fait sauter et le projectile termine sa course sur la tempe d’un spectateur : « Il faisait bien deux mètres. 11 s’est écroulé.

Les secours l’ont chargé sur une civière. Quand j’ai vu la tête des Corses, j’ai tout de suite compris…» À ce moment-là, Gilles court après… les courses. Georges Furling, qu’il a rencontré sur des épreuves de côte, lui propose de venir goûter aux joies de l’endurance. « Je lui ai répondu qu’il était bien gentil de disputer les 24 Heures du Mans 1992, mais que je n’avais jamais posé un genou par terre, » Contre toute attente, il accepte : « On roulait avec une Kawasaki du team Scratch Moto. Aux premiers essais, Georges me collait 15 secondes au tour. À la deuxième séance, ça allait un peu mieux. Ça m’a énervé. J’ai regardé la moto de notre voisin de box. Il avait les mêmes pneus que nous. Je me suis dit que j’allais le suivre : quand il freine, je freine et on verra bien ce qui se passe. En arrivant à La Chapelle, avant qu’il ne tire les freins, ça semblait long. Puis j’ai commencé à poser le genou, je me suis dit que c’était bon. » Il n’a plus qu’une seconde de retard sur ses équipiers. Il engrange plusieurs autres expériences, y compris avec le Ducateam, et même en Supersport, jusqu’au jour où Marcel Seurat et les Italiens cherchent à relancer la marque Laverda. « On s’est retrouvés engagés au Bol d’Or 99 avec Rubio. On rendait 64 kilomètres/heure en vitesse de pointe à la meilleure moto. Quand j’arrivais dans Signes, je me retournais pour être sûr de ne pas couper la trajectoire d’un gars qui arrivait derrière. » Il y avait aussi un équipage d’Italiens : « Avec, officiellement, la même moto que nous, mais ils nous mettaient entre 15 et 20 bornes en pointe.

On se qualifie en avant-dernière position et eux, en dernière. C’est William Rubio qui prend le premier relais. Je fais le second. Au bout d’un quart d’heure, tout le monde me fait de grands signes : ça fumait partout. En ramenant la machine au box, je leur ai demandé une révision complète. Je ne me voyais pas partir avec un truc pareil dans la nuit » Finalement, elle :l’est jamais ressortie du box… tandis que l’équipage italien a réussi à mettre onze motos par terre en vidangeant le moteur. Rideau sur l’endurance. En 1995, il se voit proposer le guidon d’une Husaberg pour disputer le championnat d’Allemagne. Il accepte, à condition de pouvoir faire le championnat de France. On lui promet trois motos : « Je n’en aurai qu’une avec une paire de roues de rechange. »

Il termine 2e en Allemagne et décroche le titre en France. « Marcel Seurat conclut alors : “Voyez Salvador, il bosse la semaine, il a une seule moto avec un jeu de roues, et il est champion.” Du coup, il les a virés… Boris Chambon s’est retrouvé un guidon sur une Suzuki Wagner, William a été muté aux garanties des Ducat/ à la Sima. Mais ça l’a quand même motivé : il a eu les deux titres la saison suivante. »

Course poursuite

En 1996, Gilles roule avec une moto du concessionnaire «Les 2 Roues» de Goussainville. L’aventure KTM démarre l’année d’après. Un concessionnaire appelle à la boulangerie des Kinigadner. Klaus décroche et le type demande à parler à Heinz. Le cadet de la famille s’enquiert du sujet et lorsqu’il apprend que c’est pour rouler en Supermotard, il dit qu’il est intéressé par le sujet. « C’était l’époque où KTM commençait sa progression.
Klaus me fait essayer sa moto. Comme on reprenait le championnat avec Blanchart, je me suis dit que cela ferait une marque de plus. » La première manche du championnat de France se déroule à Bordeaux. Hans Trunkenpolz – le T de KTM – a fait le déplacement. « Lorsque je suis arrivé avec ma vielle 504 à la portière enfoncée et la remorque que j’avais moi-même construite, il était en train de contempler la semi-remorque d’HVA. » La LC4 a un moteur remarquable : Gilles gagne la première manche. « J’ai remporté le championnat de France et le championnat d’Europe 1997. Tout est parti de là. <fout est bon pour optimiser la performance,*cisin de Gilles, un talentueux autodidacte fait des miracles en mécanique. Outre un amortisseur diabolique, ce dernier étudie le moyen de créer un système d’air forcé pour la boîte à air, comme il en existe sur les motos de vitesse. La piste du coin sur laquelle ils font les essais est indisponible. Ils partent donc sur la route. Arrivent deux motards de la Police. « Ça a l’air de marcher ton engin ! », remarque l’un d’eux. Gilles lui propose de l’essayer. Ni une ni deux, uniforme et flingue à la ceinture, le flic enfourche la moto. « Il revient et me demande combien ça prend en vitesse de pointe.

Je lui réponds que je n’en sais rien, mais vu qu’il a un compteur sur sa BMW, il peut me suivre…» Le duo fait allers-retours sur la départementale sous les yeux ébahis des passants qui pensent assister à une course-poursuite : « ça aurait pu être une scène de Joe Bar Team ! »

Le verdict tombe : 180 km/h. A l’usine, il y avait une moto du Dakar qui traînait. « J’avais le Dakar 87 en travers. J’ai trouvé trois ronds pour l’engagement et je suis parti tout seul. Le team officiel n’était pas très loin. II termine 22e : « Ça m’a bien usé pour le début de saison. » Arrive Thierry Var Der Bosch « Il fait la pole avec une vieille LC4 dès ses premiers essais. J’ai tout de suite compris qu’il serait un client. » Il fait des pieds et des mains pour récupérer le Français dans dans l’équipe KTM. L’affaire est acquise. Nous sommes en 2000 et sa carrière de pilote touche à sa fin. Avec Peter Ottl, il s’occupe du team officiel en Supermotard : « Avec VdB, on gagne tout, l’Europe, le Mondial, la France… » Deux ans après, on lui propose de s’occuper du Dakar : « Il y avait deux teams, l’un aux couleurs de Gauloises, l’autre aux couleurs de Repsol. » Il se retrouve donc aux manettes de l’équipe bleue : « J’avais six pilotes : Despres, Cox, Jeannot Brucy, Sainct, Sala et Meoni. J’avais une fonction de coordinateur comme par exemple m’assurer que Gio Sala occuperait bien le rôle de porteur d’eau si Meoni en avait besoin. Ils se sont tombés dans les bras. »

C’était le temps des seigneurs, avec une victoire pour Sainct, une autre pour Roma, mais aussi celui d’échanges épiques pour expliquer le règlement à des Autrichiens parfois beaucoup moins rigoureux que ne le laisserait penser leur réputation. KTM lui propose de s’occuper de voyages, mais aussi de sorties enduro et autres sauteries, pour la relation avec la clientèle. Aujourd’hui, la base de cette activité est à Chypres. Et si la situation sanitaire actuelle a mis un coup de frein à cette activité, tout est prêt pour que cela reparte, tout comme la Salvadorschool qui propose stages d’enduro, de Supermotard et de dirt-track. C’est d’ailleurs dans cette discipline que Gilles a gagné sa dernière course en date. C’était en 2019. Il a alors 60 ans. Et tout laisse à penser que ce n’est pas la dernière.

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